Ils vont tuer Robert Kennedy fait partie de ces ouvrages inclassables : fiction, polar, espionnage, autobiographie, biographie, essai... Il est édité dans la collection Blanche de Gallimard mais il aurait pu l'être dans la Noire. Quatre décès balisent ses contours : ceux des parents du narrateur et ceux des frères Kennedy : Jack et Bobby. Au centre de ce rectangle morbide un thésard-professeur (l'auteur ?) mène son enquête pour découvrir la vérité, sa vérité, sur ces disparitions qui le bouleverse comme elles bouleversent l'Amérique.
Meurtres et manipulations se dressent en permanence pour faire avorter cette recherche, même cinquante ans après. Services secrets américains et britanniques, administration française, personne ne souhaite revenir sur des épisodes peu glorieux de son histoire, celle-ci allant de la collaboration en France durant la Seconde Guerre mondiale aux années 1960-1970 de l'autre côté de l'Atlantique, avec des États-Unis prises en étau entre la crise de Cuba et la guerre du Vietnam. Car derrière l'histoire des Kennedy, c'est celle des USA qui est décrite, celle où l'émergence du Sex, Drugs and Rock&Roll n'était pas si spontanée que l'on a voulu nous le faire croire ; celle où les programmes d'expérimentations sur le cerveau humain, le psychisme, battaient leur plein en toute clandestinité.
Les frères Kennedy avaient ouverts trop de fronts simultanément pour s'en sortir : CIA, mafia, anti-castristes et surtout ce que l'on nomme communément le complexe militaro-industriel, véritable pouvoir dans l’État. Mais l'autre puissant obstacle à leur politique étaient eux-mêmes. Marc DUGAIN revient longuement sur l'état physique de Jack et sur l'état psychologique de Bobby, sur le poids de l'immense solitude dans laquelle ils étaient enfermés. Pour s'en sortir ils avaient recours à toutes sortes d'expédients : sexe, religion, philosophie, Camus pour Bobby... Cette approche psychologique s'étend à leurs entourages, amis et ennemis, allant des membres de leur clan à Johnson et Hoover, en passant par Jackie Kennedy.
L'Amérique aime les mythes, que ce soit celui de la conquête de l'Ouest, de la croissance ou des Kennedy. Pour préserver le mythe de Jack, Bobby a donné consciemment son âme et sa vie, n'ayant jamais aucune illusion sur le prix à payer de cette protection. Le voyage d'O'Dugain pour retrouver les causes de la mort de ses parents rappelle qu'autour de la construction d'un mythe existent des drames qui restent dans l'ombre, vite classés comme dégâts collatéraux.
Les pratiques ont-elles changé depuis les années 1970 ? A cette question Marc DUGAIN n'hésite pas à répondre par la négative. Les Bush et les complexes militaro-industriels sont toujours là, même si des noms et des activités de quelques firmes sont différents.
Au delà de ce récit passionnant, l'auteur présente sa vision de l'histoire contemporaine des États-Unis. Il y a eu ELLROY, il y a aussi maintenant, dans un autre style, DUGAIN.
Notice de l'éditeur
Un professeur d’histoire contemporaine de l’université de Colombie-Britannique est persuadé que la mort successive de ses deux parents en 1967 et 1968 est liée à l’assassinat de Robert Kennedy. Le roman déroule en parallèle l’enquête sur son père, psychiatre renommé, spécialiste de l’hypnose, qui a quitté précipitamment la France avec sa mère à la fin des années quarante pour rejoindre le Canada et le parcours de Robert Kennedy. Celui-ci s’enfonce dans la dépression après l’assassinat de son frère John, avant de se décider à reprendre le flambeau familial pour l’élection présidentielle de 1968, sachant que cela le conduit à une mort inévitable. Ces deux histoires intimement liées sont prétexte à revisiter l’histoire des États-Unis des années soixante. Contre-culture et violence politique dominent cette période pourtant porteuse d’espoir pour une génération dont on comprend comment et par qui elle a été sacrifiée. Après La malédiction d'Edgar et Avenue des Géants, Marc Dugain revient avec ce roman ambitieux à ses sujets de prédilection où se côtoient psychose paranoïaque et besoin irrépressible de vérité.