Fakirs se situe à la croisée du thriller et du roman policier classique français. Du premier il en prend le rythme et du second la typologie des policiers parisiens - couple vieux commissaire du 36 avec jeune inspecteur fraichement sorti de l'école - et des gendarmes de province. Cette dualité se retrouve aussi avec les nationalités, un pied en Amérique et l'autre profondément enfoui dans notre terroir. Aussi Fakirs surprend et crée une ambiance qui lui est propre en confrontant un indien franco américain avec un commissaire qui , s'il n'était pas profondément dépressif et à la limite de la folie, nous ferait indéniablement penser à Maigret (jusqu'à son appartement situé dans le même quartier que ce dernier). D'autres coups d’œil émaillent le livre, comme le surnom de Bunker donné à un homme sorti de prison.
Mais ces personnages et cette ambiance atypiques ont aussi leurs revers : une accentuation souvent exagérée des traits, voisine parfois de la caricature. Elle provoque une distanciation par rapport à l'histoire et c'est dommage. A vouloir trop pousser les caractères, le roman en perd de sa force. Malgré cette réserve Fakirs demeure un bon polar, qui dévoile, entre un caveau discret du quartier latin avec ses spectacles SM et son service des Suicidés de la PJ, une écriture précise et efficace.
Notice de l'éditeur
Du côté de Guérin et Lambert, l’ambiance est ainsi campée, lourde, franchouillarde. Inscrite dans une certaine normalité en dépit des fêlures des deux principaux protagonistes. Le lieutenant Guérin, exilé du 36 Quai des Orfèvres — après une sombre histoire mal élucidée — est installé aux Suicides, la corvée redoutée de la Judiciaire, flanqué d’un stagiaire, Lambert, qui passe pour un débile patenté auprès de tous ses collègues, qui ne lui font grâce d’aucune humiliation.
Le duo fonctionne contre vents et marées, une curieuse affection liant les deux hommes, l’admiration du plus jeune pour l’intelligence et l’intuition de son Patron servant de révélateur et de moteur.
De l’autre côté, un espace vaste et plutôt flou, faisant le grand écart entre la France et les États-Unis. Là, on trouve John Nichols, un Franco-Américain installé dans un tipi planté sur les bords d’une rivière du centre de la France. La maréchaussée débarque un jour dans son campement pour l’emmener à Saint-Céré où on lui apprend la mort de son ami américain, Alan Mustgrave. Elle est intervenue tandis qu’il s’écorchait en direct, sur la scène d’une boîte branchée du Paris underground, très cotée pour ses spectacles sado-maso.
Arrivé dans la capitale, l’agression dont est victime Nichols le convainc que la mort de son ami n’est peut-être pas le résultat d’un accident, comme beaucoup — notamment à l’ambassade américaine — voudraient le croire et le faire croire. D’autant qu’il détient des documents qui mettent en lumière le passé d’Alan, qui, en tant qu’ex-Marine, a participé aux guerres du Golfe et d’Irak.
Alan a-t-il véritablement été victime d’un accident ? S’est-il suicidé ? A-t-il été assassiné ?
Lors de ses recherches, John va croiser des individus des plus bigarrés, le très BCBG Frank Hirsh, amoureux transi d’Alan, Ariel, la patronne du Caveau de la bolée, Paty, l’amie peintre d’Alan au tempérament bien trempé, et puis Bunker et son chien Mesrine, gardien de parc et ex-taulard… Et bien sûr Guérin et son comparse Lambert…
On progresse dans une intrigue complexe, souterraine, mettant au jour les aspects les plus sombres de l’humain, qui nous pousse à une réflexion sur le suicide, la torture, le pouvoir. Et pourtant, malgré sa noirceur, son côté glauque, Fakirs nous tient en haleine d’un bout à l’autre, on rit, jaune ou noir cela dépend, et les portraits comme les descriptions que nous donne en prime Antonin Varenne finissent de nous convaincre qu’on se trouve là en présence d’un écrivain.