Journaliste et alcoolique : c'est un pléonasme dans Nothing Man. La fontaine à whisky coule à flot et ne se tarit qu'un peu juste sur la fin. Il faut reconnaître que l'univers de Clinton Brown justifie quelques débordements. Il habite dans une cabane délabrée proche des voies ferrées, vit dans un bourg où à part quelques crimes il ne se passe rien, travaille dans le journal local dont les articles ne doivent surtout pas troubler la morne quiétude ambiante. S'ajoute à cette liste une gastronomie réduite à des oeufs et des steaks et, surtout, l'impossibilité de satisfaire ses conquêtes, nombreuses, car en plus il est beau gosse.
On retrouve bien la griffe de Jim THOMPSON dans ce roman. C'est du No Future avant l'ère punk. A Paradise City il n'y a rien à attendre du lendemain. La fin justifie tous les moyens, même si cette fin consiste juste à atteindre le maintien de la routine ou l'éviction d'un collègue qui n'inspire pas la sympathie. La seule morale subsistante est sa propre morale basée sur la sauvegarde de ses intérêts, même si ces derniers se limitent à posséder en permanence une caisse de whisky en réserve.
Jim Thompson n'a jamais cherché à provoquer l'empathie de ses lecteurs pour ses personnages. Il y parvient encore ici, à une exception près : on souffre avec Clinton quand celui-ci est victime d'une intoxication alimentaire !
Heureusement la poésie n'est jamais loin pour adoucir ce monde sans perspectives. Dommage qu'elle soit l'oeuvre du "Tueur ricanant" et qu'elle est adoptée à 100% son style !
Notice de l'éditeur
La guerre a transformé Clinton Brown. Marqué par un tragique accident, il peine à trouver un sens à sa vie en tant que journaliste au Pacific City Courier. Un sentiment de honte le pousse à s'éloigner de ses proches et à sombrer dans l'alcool. Ellen, son épouse dévouée, est bien déterminée à récupérer son mari, même si cela signifie révéler le secret qui le ronge. Mais Brown est prêt à tout, vraiment tout, pour étouffer cette douloureuse vérité.
Nouvelle traduction intégrale d’un classique de Jim Thompson, l’auteur culte de Pottsville, 1280 habitants et L’assassin qui est en moi.