La biographie sous forme de reportage journalistique, mêlée parfois d'un peu de fiction, a le vent en poupe chez les auteurs de polars. Après La ville nous appartient de Justin Fenton, La dernière balade de Jean Townsend de Fred Vermorel ou L'inconnu de La Poste de Florence Aubenas c'est aujourd'hui de L'agent du chaos dont il s'agit.
Giancarlo de CATALDO s'inspire du parcours d'un petit délinquant à l'origine, doué pour les langues et la manipulation qui exploite ses facultés pour se hisser dans la haute société. Ce sont les années 1967-1969. Les drogues hallucinogènes fleurissent au rythme de la croissance du mouvement hippie ; le LSD est encore en vente libre et les expériences psychédéliques explosent. Mais c'est aussi la guerre du Vietnam qui s'intensifie, les révoltes étudiantes qui se développent un peu partout et l'émergence d'organisations radicales comme Les Black Panthers.
Dans cette période trouble, la CIA n'hésite pas à lancer des programmes de recherche sur les drogues dures (programme MK-Ultra), voyant en celles-ci de possibles armes à employer pour endiguer les mouvements contestataires et, au delà, le communisme, guerre froide oblige. Pour ce faire, le pragmatisme est de règle et s'il faut recruter des personnages douteux comme Jay Dark, tant pis. Mais cette stratégie peut s'avérer à double tranchant. Pour ceux qui, comme Jay Dark, savent profiter des failles du système, jouer sur plusieurs tableaux s'avère une opération très rentable.
Dans son roman, Giancarlo de CATALDO fait intervenir des personnages mythiques de cette époque, qui ont eu leurs heures de célébrité aux USA mais que peu connaissent en France. C'est par exemple le cas d'Alexander Trocchi, écrivain écossais "situationniste" héroïnomane et proche de Léonard Cohen dont il a inspiré des textes ; c'est également le cas de Timothy Leary, apôtre du LSD, psychologue qui fut professeur à Berkeley et à Harvard et qui a influencé bon nombre d'artistes comme les Moody Blues, les Who, les Beatles...
L'agent du chaos est un roman riche sans être dense ou ennuyeux, écrit comme un polar autour de la vie mouvementée et étonnante de ce surdoué pas souvent bien intentionné qu'a été Jay Dark, de son vrai nom Jaroslav Darenski.
Notice de l'éditeur :
Jay Dark a-t-il vraiment existé ? Deux hommes, un romancier et un avocat, se retrouvent dans des lieux insolites de la capitale romaine. Maître Flint prétend raconter la véritable histoire de Jay Dark, agent de la CIA chargé de répandre les nouvelles drogues des années 70 dans les mouvements de contestation étudiants.
On suit alors le parcours d’un jeune enfant des rues, cambrioleur à Manhattan, puis cobaye dans la célèbre clinique de Bellevue Hospital où fut lancé le Programme, qui expérimenta sur des patients plus ou moins volontaires les effets du LSD et de bien d’autres drogues. On le retrouve au cœur de l’essor de la contre-culture, de Berkeley à Londres en passant par San Francisco et New York, des readings de Burroughs et Alexander Trocchi aux folies de Warhol et Timothy Leary, des errances en bus bariolé à l’essor des Black Panthers.
Mêlant sans cesse la réalité historique et la trame romanesque où se heurtent, s’allient, se tuent parfois, un sénateur réactionnaire, un savant fou ancien nazi, et aussi militants sincères, riches héritières, poètes et allumés divers, le roman pose la question : les mouvements de jeunesse et de la contre-culture des années 70 ont-ils été manipulés par les services secrets ? Et dans quel but ?
Avec son puissant talent de conteur, De Cataldo nous fait revivre l’épopée d’une époque où tout a changé, pour que rien ne change.